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Bien-vivre doctoral : des ateliers sur la vie sociale et le logement des doctorant.e.s à Nancy

Bien-vivre doctoral

Bien-vivre doctoral

Le 18 avril 2018 en début de soirée, à Nancy au sein de l’Université de Lorraine, Anne Vicente et Dr Sebastien Poulain ont organisé des ateliers de brainstorming sur le « bien-vivre doctoral ». Les ateliers, dont il est question dans le présent compte-rendu, concernent la vie sociale et le logement des doctorant.e.s.

Parmi les participants, il y avait deux doctorants en droit, une doctorante en sciences agronomiques et un doctorant en géosciences.

 

Le premier atelier sur le bien-vivre doctoral était intitulé « C’est pas moi, c’est les autres ! Comment améliorer la vie sociale des doctorant.e.s ? ». Les questions posées étaient :

  • Quels sont les effets du passage de la vie étudiante en master à la vie doctorale en ce qui concerne la vie sociale ?
  • La thèse empêche-t-elle de conserver ou de développer une vie sociale ?
  • Dans quel type de situation les doctorant.e.s peuvent éventuellement se sentir isolé.e.s ?
  • Peut-on faire une distinction entre les doctorant.e.s en lettres, langues, art, philosophie, sciences humaines et sociales et les doctorant.e.s d’autres disciplines ?
  • Quelle est l’utilité de se socialiser lorsqu’on fait une thèse ?
  • Quelles sont les possibilités de se socialiser lorsqu’on est doctorant.e ?
  • Quelles actions faudrait-il mettre en place pour créer davantage de vie sociale?

 

Le 2ème atelier sur le bien-vivre doctoral était intitulé « Mi casa es tu casa ! Comment améliorer le logement des doctorant.e.s ? Comment améliorer le logement des doctorant.e.s ? ». Les questions posées étaient :

 

  • Quelles sont limites des logements habituels (étudiants, colocation…) ?
  • Veut-on un logement plus confortable lorsqu’on est doctorant-e ?
  • De quoi a-t-on besoin pour se sentir bien ?
  • Qu’est ce qui permet de bonne condition de vie dans un logement ?
  • Qu’est ce qui permet de bonne condition de travail dans un logement ?
  • Quels services manquent-ils dans les logements habituels ?
  • Quel budget peut-on mettre dans un logement lorsqu’on est doctorant.e ?
  • Qu’est-ce qui peut pousser à payer un logement plus cher ?
  • Qu’est-ce qui peut pousser à payer un logement moins cher ?
  • Qu’est-ce que l’on peut mettre en commun tout en gardant une vie intime/privée ?

 

 

Ce qui ressort de l’atelier sur le bien-vivre doctoral :

 

Deux besoins – la communication et la socialisation – ressortent particulièrement des ateliers pour le bien-vivre doctoral :

 

– Les deux ateliers font ressortir un vrai besoin de communication des doctorant.e.s. Les doctorant.e.s ne se connaissent pas, ne se parlent pas, et donc ne se rencontrent pas. Les universités et universitaires font en sorte que des doctorant.e.s ne puissent pas se regrouper pour autre chose que de la recherche. Les laboratoires ne diffusent que des informations sur la recherche. Les écoles doctorales ne donnent pas les listes des mails des doctorant.e.s en leur sein. Seules les associations de doctorant.e.s s’occupent de ce qui est hors recherche. Mais elles peinent à mobiliser. Les doctorant.e.s sont peu informés sur ce qui se passe autour d’eux : abandons de thèse, suicide… Il y a beaucoup de cloisonnements, rétention d’information, silos et peu de relais. Il faut passer par des secrétariats pour diffuser des informations.

 

– Les deux ateliers font ressortir un vrai besoin de socialisation des doctorant.e.s entre eux-elles mais aussi avec les étudiant.e.s en master 2 avec qui il n’y a pas de collaboration et de projet commun. Les doctorant.e.s n’ont pas de stratégie de réseau à long terme, comme dans les grandes écoles. Ils développent peu de réseau en dehors de la recherche (sauf un doctorant en droit qui fait de la politique et du journalisme) et privilégient les rencontres et collaborations avec chercheurs et chercheuses aux non académiques (tout en ayant peu de relations avec les chercheurs et chercheuses en poste, du moins chez les doctorant.e.s en sciences « humaines »). A Metz, il y a 3 sites/campus. A Nancy, il y en a 4. Cela ne facilite pas la socialisation et donc le bien-vivre doctoral. Certain-e-s doctorant.e.s, comme les gestionnaires, n’ont pas de bureau. Il y a une tension entre la volonté de se socialiser, qui peut prendre du temps (à l’image des Doctoriales : une semaine à travailler ensemble en huit clos), et la volonté d’avancer sur leur thèse ou d’avoir des activités qui représentent des « plus-values scientifiques » (article, visibilité) en sachant que beaucoup de directrices et directeurs de thèse considèrent les activités hors recherche comme de la « perte de temps » puisqu’ils ne sont pas reconnus pour se faire recruter comme chercheur (CNU).

 

Au niveau du mode de vie doctoral, il faut faire la distinction entre les doctorant.e.s en sciences dites « humaines » et les doctorant.e.s en sciences dites « dures » :

 

– Les doctorant.e.s en sciences dites « humaines » peuvent avoir beaucoup de disponibilités (hormis quelques heures de cours et quelques responsabilités administratives pour ceux qui ont un contrat de recherche ; ceux qui s’autofinancent n’étaient pas présent à l’atelier) mais ils doivent quand même garder contact avec leurs collègues de l’université en journée s’ils veulent continuer à travailler dans la recherche et l’enseignement par la suite.

– Les doctorant.e.s en sciences dites « dures » restent toute la journée dans leur laboratoire où ils sont plutôt bien socialisés (mais avec des personnels variés avec différents âges, différentes fonctions…). C’est compliqué pour eux d’en sortir sauf en cas de formation, de colloque, de stage (comme Anne Vicente à Crois/Sens). Il en est autrement à partir de 19h ou 20h où ils sont beaucoup plus ouverts à des rencontres, des événements, des actions jusqu’à 23h voire minuit (C’est l’heure où nous nous sommes quitté place Stanislas après notre atelier) et sans doute le week-end car ils sont stabilisés géographiquement pendant la thèse (sauf les doctorant.e.s très internationaux qui voyagent en permanence) et ne reviennent pas chez leurs parents comme lorsqu’ils étaient plus jeunes. Il s’agit pour eux de rencontrer d’autres personnes dans des objectifs amicaux, amoureux ou professionnels.

 

Pour intéresser les doctorant.e.s à un logement spécialisé pour bien-vivre doctoral, il y a des critères importants à prendre en compte :

 

– L’âge :

Il y a une tension entre une mentalité d’étudiants/jeunes et une mentalité de jeune adulte/jeune adulte/doctorant.e/docteur.e. Les doctorant.e.s en sciences « humaines » sont plus âgés que les doctorant.e.s en sciences « dures » car ils commencent plus tard et finissent plus tard leurs thèses. On peut distinguer, par exemple, entre les 23-24 ans et les 28-30 ans, voire beaucoup plus. Plus les doctorants sont âgés, plus ils prennent de l’autonomie par rapport aux étudiants car ils deviennent leurs encadrants et ont un autre mode vie. Ils ont un mode vie plus sérieux (selon un doctorant en droit). Le mode vie « maison de chercheur » fait peur car les doctorant.e.s pensent automatiquement à « Maison d’étudiant » (un doctorant en droit a peur d’« une cité de doctorants »). Il y a une tension entre besoin de socialisation à l’intérieur (pour rester proche du laboratoire, de l’école doctorale, de l’université) et à l’extérieur (pour trouver un emploi ailleurs par exemple) du monde de la recherche. Il y a aussi une tension entre besoin de socialisation (particulièrement important pour les plus jeunes) et besoin d’autonomie et de bien-être (particulièrement important pour les plus âgés).

 

– La vie privée intime :

Le fait d’être en couple a pour effet de prendre de l’autonomie par rapport à l’université et la recherche (selon la doctorante en sciences agronomiques et un doctorant en droit). Elle pousse aussi à chercher un logement avec davantage d’espace (70m2 selon un doctorant en droit). Les célibataires veulent aussi avoir la possibilité d’inviter leurs amis. Mais à voir si ça peut être dans les parties communes (selon le doctorant en géosciences).

 

– La langue :

Les étrangers (Asie, Amérique du Sud…) sont dans des situations compliquées à cause de la langue et des difficultés administratives et économiques. La recherche leur permet de se débrouiller sans parler le français dans certaines disciplines où la maitrise de l’anglais suffit, mais c’est un problème pour se socialiser. Ils se retrouvent vite à l’écart s‘ils n’apprennent pas vite la langue française.

 

– Le revenu :

Les sources de revenu sont très variables (de 600 à 3000 euros) et risquent de baisser avec le projet d’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant.e.s étranger.ère.s extra-européen.nes. Ce sont notamment les doctorant.e.s maghrébins et subsahariens qui ont le moins de revenu et qui doivent parfois trouver un emploi en plus du contrat ou de la bourse de recherche de leur gouvernement. Ce sont eux qui doivent aller dans les résidences universitaires. Ils n’ont pas de problème de langue, mais un problème de socialisation socio-économique. 60% des doctorants en droit sont étrangers selon un doctorant en droit. Les doctorant.e.s ne savent comment se situer par rapport à la CAF (Caisse d’allocations familiales) : étudiant ou chercheur ce qui a des conséquences économiques. Les doctorant.e.s semblent peu dépensiers. Un doctorant en droit a proposé que le contrat doctoral de recherche prenne en compte le loyer (comme chez les postiers, enseignants…).

 

Deux types de population sont susceptibles de s’intéresser à ce type de logement :

 

– Les doctorant.e.s et docteur.e.s étrangers qui ont des niveaux de revenu faibles.

– Les doctorant.e.s et docteur.e.s qui veulent changer de vie : mieux vivre, collaboratif, collectif, bio.

 

Un logement pour le bien-vivre doctoral doit avoir certaines caractéristiques :

 

– Taille importante si couple, moins pour les célibataires

– Un lieu globalement calme. Il ne faut pas des fêtes étudiantes dans la salle à côté !

– Un bureau : il arrive régulièrement que les doctorant.e.s travaillent assez tard dans la nuit !

– Accès à internet : inimaginable de ne pas l’avoir compte-tenu de l’économie de la connaissance.

– Mise en commun possible entre les résidents : laverie, sanitaire, voire cuisine

 

Un tiers lieux pour le bien-vivre doctoral peut intéresser beaucoup de chercheurs.euses mais à certaines conditions :

 

– A partir de 19h pour les doctorant.e.s en sciences dites « dures ».

– Toute la journée et en soirée pour les doctorant.e.s en sciences dites « humaines ».

– Il faut que le lieu soit accessible en transport en commun. Lors de l’atelier, 4 voitures ont été utilisées pour 10 personnes présentes.

– Certains doctorants pensent qu’une bibliothèque pour les doctorant.e.s en sciences « humaines », mais c’est la connectique et le numérique qui sont avant tout nécessaires.

– Le lieu doit être un lieu de travail avant tout, donc il doit être assez calme.

– Le lieu doit avoir plusieurs fonctions et utilités : rencontre, médiation, événements…

 

Nous avons fait des ateliers sur d’autres sujets. Nous en rendrons compte bientôt.

 

Références :

BRENGUIER Agathe et MOREL Camille, « Expérimentation innovante en matière de santé et nutrition à Mirecourt », bien-vivre-maintenant.fr, 19 novembre 2018, https://bien-vivre-maintenant.fr/territoires/grand-est/mirecourt/experimentation-innovante/

 

DELEANT Laura, VICENTE Anne, ALLARD-HUVER François, « Pint of Science : quelques gorgées de science pour tous », theconversation.com, 10 octobre 2018, https://theconversation.com/pint-of-science-quelques-gorgees-de-science-pour-tous-103260

 

MOREL Camille, « Manger bio réduit les risques de cancer ! » bien-vivre-maintenant.fr, 23 novembre 2018, https://bien-vivre-maintenant.fr/non-classe/manger-bio-cancer/

 

POULAIN Sebastien, « Apéro-dinatoire brainstorming doctoral à l’Université de Lorraine ! », docdoorblog.wordpress.com, 16 avril 2018, https://docdoorblog.wordpress.com/2018/04/16/apero-dinatoire-brainstorming-doctoral-a-luniversite-de-lorraine/

 

POULAIN Sebastien, Doc’Door, la maison du doctorat devrait bientôt ouvrir ses portes, Cartes sur tables, 8/12/16, http://www.cartes-sur-table.fr/pour-une-maison-du-doctorat/ et http://cartes-sur-table.fr/wp-content/uploads/2016/12/CST_Pour-une-maison-du-doctorat.pdf

 

POULAIN Sebastien, Doc’Door à Paris ! Document de travail pour une collaboration entre la Ville de Paris et Doc’Door, la maison du doctorat, Ville de Paris, Service de la Création, de l’Innovation, de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, 16/02/2017, https://fr.slideshare.net/SebastienPoulain/docdoor-paris

 

POULAIN Sebastien, « Le gouvernement français doit faire honneur aux étudiant.e.s, doctorant.e.s et docteur.e.s étranger.ère.s », Doctrix, 28/11/2018, http://blog.educpros.fr/doctrix/2018/11/28/inscriptions-doctorants-etrangers/

 

Dr Sebastien Poulain

Chargé de recherche Crois/Sens

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